Pic de la Mirandole, au XVe siècle après J-C, considérait que l’humain a une double nature ; à la fois il est de nature divine, et à la fois il est de nature animale.
Au matin du 2 juin 2023, à Annecy, un homme est entré dans un parc, en une aire de jeux, et il a, au nom du Christ, transpercé à coups de couteau le corps de plusieurs tout-petits. Quelle folie ! Quelle abomination !
Ce jour-là, une amie professeur au collège rentre en classe ; elle est avec des élèves de 3ème, et leur annonce la nouvelle.
Tous se sentent concernés et la prof découvre dans le regard de ces adolescents qui se demandent comment devenir adultes et vivre heureux en un tel monde, un début de réponse : ils sont ensemble, et ils sont là autour de cet événement, en cet espace délimité, en cette heure impartie … ils sont en communion silencieuse.
Le criminel est un Syrien, un réfugié, un immigrant, mais avant tout c’est un homme, un homme désespéré parce qu’il avait rêvé d’être accueilli en ce beau pays de France. Il ne l’a pas été.
Nombreux sont les parents de nos enfants qui ont choisi le camp du confort, de la tranquillité, de l’indifférence au sort des plus démunis.
Moins nombreux les enfants du monde dont les parents ont reçu une éducation religieuse. Ces parents croient posséder la solution et pensent que ce sont les autres, les « matérialistes », qui amènent le désordre en ce monde.
Je crois que les uns et les autres se trompent.
Un jeune de cette classe prend la parole : « Madame, je réalise que je ne vivrai plus jamais ce jour que je viens de passer ». Et tous, ensemble, approchent ce que pourrait être de vivre ainsi chaque seconde qui passe.
Cette amie professeur rentre chez elle, et elle sait qu’elle ne peut pas, en même temps, éprouver la violence de ce qui vient de se passer à Annecy et continuer à vivre comme si cet acte de désespoir ne la touchait pas profondément.
Un immigré est souvent un homme qui porte en lui la violence qu’il a subie.
Pour l’aider, il serait souhaitable que nous vivions un amour inconditionnel.
En sommes-nous là ? Accepterait-il cette aide ? Ce n’est même pas certain.
Fermer nos frontières aux sans-papiers ? Est-ce une solution ?
L’égoïsme est-il une solution ?
Sommes-nous, ou non, des êtres humains ?
« Ne suis-je pas », se dit-elle, « moi aussi, une immigrée en exil en un monde de violence dans lequel je ne peux pas m’intégrer sans renoncer à ce que je suis ? »
Comment transformer cette violence ? Le changement ne peut pas venir d’une Institution, il ne peut venir que d’une acceptation collective à passer à autre chose. Un gouvernement ne peut qu’appuyer, ou non, des tentatives civiques.
En notre petit monastère, novateur et laïc, nous sommes rassemblés afin d’apprendre, athées et croyants, à devenir plus humains.
Est-ce là, sagesse ou folie, qui nous a commandé de mettre cela en place ?
Si c’est sagesse que d’avoir imaginé cela, la sagesse en ce monde, sera-t-elle un jour reconnue comme étant d’intérêt général ?